samedi 31 juillet 2010

AGRESSIVITÉ - 6e partie

Deuxième vignette clinique

Une mère consulte pour l’agressivité jugée excessive de l’un de ses fils jumeaux âgés de six ans. Cette femme attribue l’agressivité de son fils à un héritage paternel et s’identifie totalement à son autre fils jumeau, docile, soumis, capable de passer de longues heures immobile à écouter de la musique, encore très dépendant de sa mère pour de nombreuses activités de la vie quotidienne. Le début de la scolarité révèle les symptômes de ce second fils (ayant satisfait jusqu’alors les besoins identificatoires de la mère) qui se montre incapable d’apprendre, désemparé devant toute forme de difficulté et bouc-émissaire de sa classe. Le frère qui semblait excessivement agressif aux yeux de la mère s’investit dans les apprentissages académiques et les expériences sociales fournies par l’école, parvenant ainsi à utiliser des pulsions agressives auparavant mal soutenues par l’entourage, la mère n’y voyant qu’un élément négatif. C’est l’enfant pour lequel la mère avait d’abord demandé la consultation qui réussit à l’école alors que l’autre enfant qui était apparemment asymptomatique est celui qui aura finalement besoin d’un traitement car il échoue sa scolarité. L’incapacité de reconnaître l’élément agressif et de l’utiliser peut conduire au développement de traits de caractère comme le tempérament de victime que semble adopter ce jeune garçon, à l’image de sa mère elle-même fortement identifiée à cette position.


* à suivre *

vendredi 30 juillet 2010

AGRESSIVITÉ - 5e partie

ÉCHECS DE L’INTÉGRATION DES PULSIONS AGRESSIVES CHEZ L’ENFANT

Lorsqu’il est question du problème posé par l’agressivité, c’est d’abord au problème de l’excès d’agressivité en tant qu’acte destructeur dirigé vers l’extérieur auquel nous pensons.

Nous avons mentionné plus haut la tendance anti-sociale, agressivité dirigée de façon indifférenciée vers le monde extérieur, prenant pour cible l’ensemble de la société à qui l’individu réclame ultimement ce qui lui a été refusé au début de la vie. Les pulsions agressives se déchargent alors de façon violente, en réponse à la violence du manque affectif auquel l’individu s’est senti soumis.

Les problèmes liés à l’agressivité sont le motif de consultation le plus souvent mis de l’avant en consultation pédo-psychiatrique. Et cela ne doit pas nous surprendre, à partir du moment où nous avons réalisé que l’une des tâches développementales principales de l’enfance consiste à reconnaître en soi les pulsions agressives, à apprendre à les utiliser de façon constructive.

Première Vignette clinique

Un garçon âgé de six ans nous est référé en consultation par l’entremise de l’école parce qu’il a fait de violentes explosions de rage, surgissant à l’improviste, sans motif apparent. Ses agressions ont entraîné sa suspension de l’école à quelques reprises. Son rendement académique est fluctuant, il se sent souvent incapable de répondre aux demandes du professeur, se plaint d’être abandonné à lui-même. L’histoire de son développement affectif précoce révèle un contrôle pulsionnel excessif exigé par la mère, elle-même obsédée par l’ordre et la propreté; la mère a épousé un homme sujet à des colères explosives le garçon a donc dû se chercher à contenir seul ses pulsions ; il a développé une constipation chronique sévère, son jeu est demeuré pauvre et dévitalisé et il n’a pu accéder progressivement à l’indépendance et à la sécurité intérieure. Ici, l’environnement parental n’a pas pu jouer le rôle de contenant et de métabolisateur des pulsions agressives du jeune enfant; celui-ci a dû s’en charger seul, ce qui a entraîné une rétention excessive entrecoupée de décharges excessives et entravé son développement.

Il paraît nécessaire d’attirer l’attention sur les effets négatifs de l’agressivité internalisée mais non neutralisée, non sublimée, car on en parle beaucoup plus rarement. Les manifestations cliniques reliées au problème de l’agressivité « muette » sont moins visibles; cette agressivité emprisonnée à l’intérieur de soi et non utilisée n’en cause pas moins des ravages internes. L’échec scolaire signe souvent l’incapacité d’utiliser à des fins de sublimation l’énergie provenant des pulsions agressives et libidinales fusionnées, dirigées vers le monde extérieur, vers la connaissance et qui alimentent normalement la curiosité intellectuelle. Ne dit-on pas qu’on s’attaque à une tâche, qu’on maîtrise la connaissance, qu’on a vaincu telle difficulté? Vocabulaire à connotation agressive qui nous enseigne déjà à lui seul où se trouve le moteur de la connaissance.


* à suivre *

jeudi 29 juillet 2010

AGRESSIVITÉ - 4e partie

Spitz et Winnicott : L’étude du jeune enfant et de son environnement immédiat

Ces auteurs se sont consacrés à l’observation directe du jeune enfant et ont contribué largement à l’étude du destin des pulsions agressives.

Spitz a démontré, en accord avec l’article précédemment cité de Hartmann, Kris et Loewenstein, la contribution de la pulsion agressive à l’établissement des relations entre le bébé et la mère, puis avec l’ensemble du monde extérieur. Il a décrit le déploiement de l’agressivité dans la première année de la vie, son expression dans la musculature externe et la mobilité et souligné la nécessité qu’un objet libidinal, la mère, soit rencontré à l’extérieur pour permettre la décharge pulsionnelle.

Au début de la vie, les deux types de pulsions, agressives et libidinales, sont relativement indifférenciées. C’est grâce à la présence étroite de l’environnement maternel que les pulsions parviennent à se différencier puis à se fusionner. Les pulsions agressives jouent un rôle essentiel dans l’établissement de la communication avec le monde extérieur; elles permettent aussi au jeune enfant de tenter de retrouver l’objet libidinal perdu lorsqu’il est séparé.

Dans les cas où l’objet libidinal essentiel à la survie psychique du bébé semble définitivement perdu, il y aura défusion des pulsions : 1) l’agressivité se retourne contre soi et peut aller jusqu’à entraîner la mort du bébé; 2) ou alors l’agressivité se tourne de façon indifférenciée vers le monde extérieur, sans être modulée par la pulsion libidinale, et donne lieu à la destructivité à l’origine de la tendance anti-sociale et ultérieurement de la psychothérapie.

Dans des articles successifs, Winnicott a mis l’accent sur le rôle de l’agressivité en relation avec la reconnaissance du monde extérieur (non-Moi) et a insisté sur le rôle primordial joué par l’environnement maternel dans l’intégration progressive des pulsions agressives, dans les premières années de la vie. Pour Winnicott, l’agressivité mature est au cœur et à l’origine du jeu chez l’enfant, du travail chez l’adulte. Toute activité de construction, tout acte créateur s’établit sur le besoin constant, tout au long de la vie, de réparer les dommages faits à l’objet d’amour primitif, dommages que l’on sait avoir commis du fait de l’existence des pulsions agressives.

« Finalement, toute l’agressivité qui n’est pas niée et pour laquelle on prend
ses responsabilités est disponible pour consolider le travail de réparation et
de restitution (…) Un but dans la construction de la personnalité est de devenir
capable de tirer de plus en plus de ce qui est instinctif. Cela implique qu’on
devient de plus en plus capable de reconnaître sa propre cruauté et sa propre
avidité qui peuvent alors, et alors seulement être contrôlées dans une activité
surmenée ».



* à suivre *

mercredi 28 juillet 2010

AGRESSIVITÉ - 3e partie

Hartmann, Kris et Loewenstein : Élaboration de la théorie de l’agressivité

Ces trois psychanalystes, dans un article fondamental paru en 1949, ont cherché à clarifier ce qui était resté obscur dans l’œuvre de Freud sur le thème de l’agressivité.

Ils ont établi l’agressivité comme une source énergétique essentielle à la maîtrise de soi et de la réalité extérieure, de même qu’à la structuration de la personnalité. Les pulsions agressives se trouvent modifiées au cours du développement de façon à éviter que soient détruits les objets d’amour vers lesquels elles sont dirigées. Ainsi les pulsions agressives se fusionnent aux pulsions libidinales pour se mettre au service de celles-ci; elles en deviennent le vecteur. De plus, différents niveaux de neutralisation et de sublimation interviennent de façon à élaborer les relations aux objets d’amour primitifs et ensuite élargir ces relations au champ social. C’est cette notion de sublimation des pulsions agressives qui constitue un ajout par rapport à la théorie freudienne et qui fait apparaître le rôle important joué par les pulsions agressives dans la propension à l’activité motrice et à la maîtrise de l’environnement.

La possibilité pour l’individu de se défendre devant un danger extérieur nécessite que la réaction agressive demeure disponible au sein de sa personnalité et constitue une autre de ses fonctions.

Ainsi la capacité de faire usage de quantités importantes d’agressivité neutralisée sera la marque d’un Moi fort et d’une personnalité bien intégrée, ce qui nous laisse entrevoir qu’une incapacité d’utiliser cette énergie affaiblira le Moi et entraînera des tendances masochiques, telles que la mentalité de victime ou d’esclave.


* à suivre *

mardi 27 juillet 2010

AGRESSIVITÉ - 2e partie

THÉORIE DES PULSIONS DANS LA PENSÉE PSYCHANALYTIQUE

Freud : Dualisme psychique et théorie des pulsions

C’est à S. Freud que nous devons la découverte de l’inconscient dans le psychisme humain, comme lieu où se logent les pulsions. Toute sa vie, Freud a élaboré une théorie duelle des pulsions, en démontrant à la fois les tendances opposées et complémentaires des pulsions d’agression et des pulsions libidinales.

Ce sont d’abord les pulsions libidinales qui ont attiré son attention et amené les premiers fondements de sa théorie.

Ainsi dans la première Théorie des pulsions (1915), Freud oppose aux pulsions sexuelles ( ) les pulsions d’auto-conservation (pulsion du Moi).

Les pulsions agressives sont vues comme originant dans le Moi et ayant un but défensif, soit de lutter contre les menaces faites à l’intégrité du Sujet. Dans la seconde Théorie des pulsions (1920), Freud oppose cette fois les pulsions de vie (Éros) aux pulsions de mort (Thanatos). Les pulsions de vie regroupent maintenant non seulement les pulsions sexuelles mais ce qui avait été identifié comme pulsions d’auto-conservation (pulsions du Moi, libido narcissique). Les pulsions de mort apparaissent dans la théorie de Freud avec la nécessité de reconnaître l’existence du masochisme primaire :

« Ces phénomènes indiquent d’une façon qu’on ne peut méconnaître la présence
dans la vie psychique d’une puissance que nous nommons, selon ses buts, pulsion
d’agression ou de destruction et que nous faisons dériver de la pulsion de mort
originaire de la matière inanimée. » (Freud 1937, pp. 28-29).


* à suivre *

lundi 26 juillet 2010

AGRESSIVITÉ - 1e partie

AGRESSIVITÉ, VOUS DITES?

Pour Winnicott, « de toutes les tendances humaines, l’agressivité est particulièrement cachée, déguisée, mise de côté, attribuée à des agents extérieurs et lorsqu’elle apparaît, il est toujours difficile de remonter à ses origines. »

Dès lors, Nicole Nadeau pose la question : notre société a-t-elle créé la violence?

Plus que jamais, semble-t-il, la violence est au cœur de nos préoccupations sociales. Les médias nous livrent régulièrement des statistiques faisant état de la violence dans les villes, de violence conjugale, d’enfants violentés; les bulletins de nouvelles relatent l’état des guerres et des différents conflits dans lesquels sont impliqués les êtres humains un peu partout sur la planète. Nous ne pouvons qu’être alarmés, si ce n’est assommés, par ces comptes rendus et nous sommes parfois portés à croire que c’est notre société qui a inventé la violence.

L’histoire de l’humanité s’organise autour de guerres, de conquêtes, de traités de paix, d’assimilations et de libérations des peuples. À mesure qu’évoluent les technologies qui nous dotent de puissances de plus en plus grandes, la forme et la dimension des conflits armés changent; la nature conflictuelle de l’être humain demeure. Notre tentative d’introspection vers les origines premières de la violence humaine se trouve compliquée par ces visions spectaculaires de violence envahissant nos écrans, l’Internet et nos journaux. Car nous sommes naturellement portés à rechercher à l’extérieur de nous-mêmes les causes premières de la violence, ou à n’accepter de reconnaître que les éléments extérieurs à nous-mêmes contribuant à faire surgir la violence.

Les solutions proposées à la violence dans le discours social vont le plus souvent dans le sens de la dénonciation et de la répression. De grandes campagnes de lutte contre les responsables identifiés de la violence (les hommes, la drogue, les inégalités, la télévision, certains jouets…) sont entreprises. On souhaite apprendre aux enfants à ne pas mettre en scène, dans des jeux symboliques, la violence des sentiments, des désirs, des pulsions qui les assaillent intérieurement.

Qu’entendons-nous donc par « violence »? Le mot peut signifier à la fois un acte de force brutale, une contrainte exercée sur un autre et la vivacité, l’intensité d’un sentiment. La violence peut donc venir de l’intérieur ou de l’extérieur de l’individu. Dans cet article, Nicole Nadeau, étudie l’un des aspects de la violence, c’est-à-dire sa dimension interne chez l’individu. Pour ce faire, elle aura recours à l’étude de la pulsion agressive telle qu’elle est développée dans la théorie psychanalytique.

Pour la clarté de son propos, elle utilisera le terme « agressivité » pour référer à la pulsion agressive au sens large, tout en tenant compte du fait que les termes « agressivité » et « violence » font aussi partie du langage courant et ont nécessairement des significations différentes selon les individus qui les utilisent.

L’étude de l’agressivité nous amène à retracer au cœur de l’être humain et chez le jeune enfant la source pulsionnelle duelle : agressive et libidinale. Nous verrons comment ces deux pulsions sont le moteur du développement humain et comment leur alliage participe à la structuration de la personnalité, selon des voies de plus en plus complexes et élaborées.


* à suivre *

dimanche 25 juillet 2010

Intervenir auprès d'adolescents perturbés - 5e partie

CONCLUSION
Comment évaluer l’impact d’un tel atelier sur les groupes d’adolescents qui y ont participé? Jusqu’où cela a pu influencer la vie de l’unité dans son ensemble? Nous n’avons certes pas la prétention de fournir des données statistiques là-dessus. Néanmoins nous avons pu observer des changements méritant d’être mentionnés. Par exemple :

- une augmentation du niveau de connaissances en matière de physiologie, de contraception et de maladies transmises sexuellement (ce qui a pu être vérifié par le jeu-questionnaire).
- Une utilisation dans le langage courant d’un vocabulaire sexologique précis.
- Une aisance plus grande à aborder les questions sexuelles avec le personnel de l’unité et avec les pairs.
- Un désir plus fréquent d’obtenir une consultation médicale personnelle en contraception.
- Une ouverture à envisager des valeurs différentes de celles véhiculées dans leurs milieux d’origine.
- Et enfin, contrairement à ce que certains auraient pu penser, pas plus d’acting-out sexuels qu’auparavant.

Nous pensons avoir donné à ces jeunes et nous sommes certains d’avoir reçu d’eux. Ce qui constituait au départ le défi spécifique de notre projet, soit le fait qu’ils présentent des problèmes psychiatriques graves, a peut-être été aussi ce qui en a fait la richesse. Nous parlant de la saleté et de l’étrangeté de ce corps en changement, nous disant leurs craintes qu’il fonctionne inadéquatement, abordant à la fois le désir et la peur de la fusion, nous exprimant leur inquiétude face à une violence potentielle, ils nous ont donné accès à des dimensions de leurs fantasmes qu’il n’aurait certes pas été possible d’atteindre avec des adolescents dits « normaux ».

Nous terminons avec cette citation qui résume bien l’esprit qui nous a habités pendant toute cette expérience.

« Animer un débat sur la sexualité avec des adolescents n’est pas une cure de rajeunissement. Le « je suis comme vous » peut être tentant mais il est faux, voire nocif. Nous souhaitons au moins n’avoir pas nui :
- en ayant toujours essayé d’utiliser l’information comme moyen d’échange et non comme substitut de l’échange.
- En ayant toujours eu le souci de respecter la différence des générations.
- En ayant toujours cherché à restituer la sexualité dans sa globalité et sa richesse relationnelle sans la réduire à une technique. »

vendredi 23 juillet 2010

Intervenir auprès d'adolescents perturbés - 4e partie

Durée et animation

L’atelier en entier se divise en dix rencontres d’une heure trente chacune. Les animateurs assurent en alternance l’animation et la coordination de chacune des rencontres, les deux autres personnes ayant alors une fonction de support immédiat à accorder aux adolescents tantôt timides tantôt trop exubérants; ils sont davantage à l’écoute des besoins particuliers de chacun des participants et peuvent fournir une attention personnalisée et individuelle au jeune concerné.

L’intervenant qui fait office d’animateur principal pour une rencontre prend en charge l’organisation globale et la structuration de cette rencontre en conformité avec les besoins décelés lors de la rencontre précédente; les deux autres intervenants se rendent disponibles pour exécuter certaines démarches. En tenant compte du contenu réel d’une rencontre, de la réponse des participants, des nouveaux besoins exprimés, l’équipe d’animation définit les objectifs de la prochaine et fait l’inventaire des démarches nécessaires à son accomplissement.

Enfin l’équipe d’animation tient une réunion de dernière heure sur le déroulement prévu et sur le climat du groupe à ce moment. Nous anticipons alors le type de support nécessaire à donner à certains adolescents face à des situations ou des états d’âme particuliers. Nos interventions tiennent compte de la conjoncture du moment tant au niveau de l’atmosphère de groupe que de la dynamique de chacun des individus. Une relation de confiance se créant entre les participants, l’échange qui s’établit tend à devenir un mouvement circulaire. Certaines barrières s’estompent, les fonctions et rôles de chacun font place graduellement à une plus grande acceptation de l’autre comme individu (intervenant ou patient). Le besoin d’une progression très structurée, très prévisible devient alors secondaire, la formulation des besoins et l’écoute de ces mêmes besoins constituant le cœur des rencontres.

Environ un mois après la fin des séances chacun des participants est rencontré par deux animateurs afin d’évaluer comment l’adolescent a vécu l’expérience, vérifier à nouveau si les connaissances ont été correctement assimilées et si des questions sont demeurées sans réponse.


* à suivre *

jeudi 22 juillet 2010

Intervenir auprès d'adolescents perturbés - 4e partie

ASPECTS PRATIQUES

Globalement nous pouvons scinder le contenu des ateliers en deux dimensions : l’une à caractère informatif portant sur des connaissances telles que : les changements physiologiques liés à la puberté, le fonctionnement des organes reproducteurs, les moyens contraceptifs, les maladies transmises sexuellement, etc.; l’autre dimension touche davantage le mode relationnel de la sexualité : les rencontres garçons/filles, le flirt, la fidélité, la peur du rejet, le potentiel des violence, etc. Plusieurs sujets furent abordés conjointement, un sujet amenant l’autre et se confondant avec le premier.

APPROCHE ET MOYENS PÉDAGOGIQUES

Tout en ayant préparé le contenu des sujets au programme nous voulions une animation souple qui susciterait l’implication des adolescents. Nous désirions jouer un rôle de démarreur et d’orienteur. L’intérêt des adolescents devait être le moteur du processus et le contenu des séances servait alors de carburant au processus d’apprentissage. Nous décidons d’organiser le déroulement global en fonction des besoins exprimés par les adolescents(es). La règle principale au sein du groupe est celle du respect mutuel entre les participants : libre à chacun d’exprimer ses idées, ses désaccords, ses sentiments, sans cependant prendre à partie les personnes présentes. Comme animateurs nous nous portions garants de cette condition de base.

Les adolescents(tes) participant à la première série de rencontres ont suggéré une façon simple d’aborder les sujets qui les intéressaient : partir de la réalité quotidienne; ainsi, avant d’avoir des relations sexuelles il faut prendre contact avec d’autres jeunes, établir des liens. Conséquemment, les rencontres garçons/filles constituèrent le thème de la première réunion. Puis, via le désir de plaire, le jeu des relations (le flirt) et les stéréotypes sexuels, le groupe s’est intéressé à la physiologie du corps humain (organes génitaux, mécanismes de reproduction) ainsi qu’à la contraception et aux maladies transmises sexuellement.

Support technique

Nous avons tenté de varier les façons d’introduire les différents sujets. Nous avons utilisé des moyens tels les jeux de rôles avec enregistrement vidéo, les films, les diaporamas, les dessins, le mime, les jeux questionnaires, les planchettes explicatives, les échantillons de contraceptifs etc.

Par ces moyens variés nous visions à conserver notre groupe en éveil et à les rejoindre à des niveaux différents : concret ou abstrait, habileté motrice ou intellectuelle. Les adolescents répondent d’ailleurs beaucoup mieux aux média concrets qui les mettent en action ou qui comportent une illustration claire du contenu proposé. Par exemple dans le but de vérifier les connaissances acquises au cours de l’atelier nous avons élaboré un questionnaire. Nous l’avons cependant utilisé sous forme de quiz par équipe. Les adolescents ont très bien répondu à cette variante; cela contribua pour beaucoup à annuler le stress d’un interrogatoire, l’adolescent comme entité n’étant pas confronté à l’échec ou au succès. De plus, les questions entraînant un processus de discussion et exigeant un consensus favorisaient ainsi des échanges intéressants.


* à suivre *

mercredi 21 juillet 2010

Intervenir auprès d'adolescents perturbés - 3e partie

PHILOSOPHIE D'INTERVENTION
Comme animateurs nous comptions sur des repères, sorte de transcriptions intellectuelles et émotionnelles qui encadraient et permettaient ce que les américains conviennent d’appeler « le processus ». Ainsi, nous savions que la relation de l’adolescent à celui qui est du même sexe passe par la similitude ou l’image en miroir : « être comme ». En l’occurrence, parmi les adolescents se dessinent souvent des leaders, la plupart du temps les moins malades, qui servent de référence aux autres. Nous nous devions de renforcer ces éléments sains et permettre ainsi au groupe qui allait se constituer d’être son propre moteur.

Notre population est mixte, les garçons et les filles se rencontrent quotidiennement et partagent plusieurs activités offertes par le milieu. Ils manifestent par des comportements subtils, leurs préoccupations à ce niveau. Le désir de rapprochement passe souvent par des « chamaillages ludiques », principaux témoins des essais et des maladresses. Ils évitent ainsi de montrer leur timidité et leur inexpérience et s’épargnent la confrontation trop directe avec la peur du rejet. Un autre point chaud concernait les attentes face aux parents, en tant qu’images structurantes. Pierre, adolescents de 17 ans, parlant de son père « homme raffiné, se souciant d’esthétique et d’art » s’inquiète que celui-ci ait une difficulté majeure à mettre des limites à son fils; il a des préoccupations autour d’un rapprochement trop grand à la mère et finalement exprime la peur de ne jamais être un homme, de rester dans un univers d’enfant gâté : désir à la fois entretenu et rejeté. Nous savions qu’il était de cette relation au père en psychothérapie et nous pouvions l’encourager à l’approfondir dans ce lieu privilégié.

Nos objectifs de travail furent simples : écouter l’adolescent, être disponible, jouer notre rôle d’adulte surtout. Nous souhaitions donner une information de base concernant les changements liés à la puberté et fournir des occasions d’expérimenter dans le « concret » des façons d’être dans la relation à soi et à l’autre. Nous avons choisi d’utiliser un langage, clair et compréhensible pour l’adolescent; nous voulions éviter le discours scientifique et objectivant ou encore le discours populaire qui aurait pu, certes, nous rendre la vie plus facile en permettant une distance et en nous situant dans un rôle confortable, d’intervenant; mais nous ne voulions pas mettre d’entrave au climat d’intimité et de respect mutuel que nous avions à cœur de créer et de partager avec eux.

Conscients de certaines limites reliées au développement des structures mentales à cet âge (de la pensée opératoire concrète à la pensée opératoire formelle) nous avons choisi d’utiliser des moyens concrets et un support technique (tel l’audio-visuel) pour construire dans un premier temps un champ de perception et d’appréhension d’une connaissance de soi en tant qu’être sexué et sexuel pour ensuite élaborer et échanger sur les acquis nouveaux.

* à suivre *

mardi 20 juillet 2010

Intervenir auprès d'adolescents perturbés - 2e partie

PHILOSOPHIE D’INTERVENTION

Nous avions au départ, notre vécu d’homme et de femme, tout un arsenal de questions-réponses acquis au fil des ans. Nous étions conscients de la distance qui nous séparait des adolescents. Signant, la différence entre les générations, cette distance est nécessaire à l’adolescent pour qu’il puisse se situer et choisir les modèles auxquels il pourra s’identifier.

Nous ne sommes pas spécialistes des questions sexuelles de l’adolescence. Nous avons choisi un tout autre chemin. Nous avons voulu créer un lieu où l’adolescent pourrait exprimer son questionnement par rapport à sa sexualité. Nous ne voulions pas faire écran, mais plutôt être à l’écoute. Ainsi les adolescents furent tout au cours de cette expérience les guides, ceux qui détenaient le fil conducteur; notre mandat était d’écouter, de comprendre, d’élucider avec eux. Tâche qui n’est pas de tout repos, car confrontés au vécu sexuel des adolescents nous étions parfois désarçonnés. L’intensité des conflits pulsionnels à cet âge ainsi que le flou relié à l’espace que l’adolescent occupe, ébranlaient nos anciens mécanismes de défense (refoulement de l’intensité de notre propre vécu sexuel); nous avons dû faire notre processus dynamique de connaissance au sens étymologique du terme c’est-à-dire une démarche de co-naissance.

L’adolescence interroge tant les problèmes d’identité sexuelle que ceux plus vastes de l’identité, soit précisément la capacité d’autonomie, c’est-à-dire être capable de s’ « individuer » et de s’« auto-nommer ».

Notre groupe s’adressant à des jeunes qui en plus de traverser l’adolescence vivent en même temps d’importants problèmes psychiatriques, il nous faut ici nous arrêter à cette autre dimension de leur vécu.

L’adolescent malade est dans un « no man’s land ». Souvent son corps ne lui appartient pas. À cause des investissements massifs reliés aux désirs projetés sur lui, il dénie souvent « sa propre existence ». Il devient pubère sans qu’il le veuille et/ou qu’il y soit prêt psychologiquement. D’une certaine manière il est agressé par la physiologie. Ce hiatus s’inscrit dans son corps, ce corps nouveau et souvent étranger qui devient alors le lieu de projection d’importantes peurs, d’angoisses massives et d’un vécu inquiétant. Combien de fois, n’avons-nous pas été confrontés à des équations telles : « C’est lorsque j’ai commencé à être menstruée, que je suis devenue malade; j’ai donc essayé d’arrêter cela ». « Devenir grande c’est ne plus être le bébé de ma mère ». Il s’ensuit alors dans le réel, au moment des menstruations, toute une série de comportements pour le moins bizarres comme de ne pas s’assurer un confort minimum par le port d’une serviette sanitaire mais plutôt de boucher l’ouverture du vagin avec du papier de toilette. C’est également cette autre fille, mal à l’aise dans le groupe d’adolescents, ne pouvant s’exprimer, qui reproche aux garçons de parler de sexualité en présence des filles. C’est plus tard que nous comprendrons le pourquoi de ce malaise, lorsqu’elle dévoilera un « secret de famille bien gardé », soit des jeux sexuels avec des frères aînés; depuis, la présence des garçons gêne car tous les garçons sont pareils. En sourdine mais assez fort pour que nous entendions, des questions superficielles autour des changements biologiques et physiologiques, des questions qui passent par les stéréotypes : les filles parlent de leur désir d’être attirante et veulent plaire : nous remarquons tout un déplacement des préoccupations autour du sexe sur les parties visibles du corps par exemple, la figure, la taille; de la même façon les garçons se mesurent et comparent leur force. Très peu de questions sur leur anatomie, comme si savoir mieux pouvait introduire la notion de pouvoir faire, d’où une inquiétude sur leur capacité à être adéquat et compétent.

Il nous semblait que les préoccupations des adolescents se situaient autour de la relation à ce corps, et à partir de là la question était : « comment être en relation à soi et à l’autre, compte tenu de tous ces changements et bouleversements ». Il s’agissait également d’aborder le sens personnel donné à ces changements, sens souvent « caché et gênant » car porteur de significations agressantes et interdites. Dire est une chose…bien plus difficile encore, trouver une écoute rassurante pouvant signifier qu’il est possible de connaître et d’habiter ce corps et de s’en faire un allié.


* à suivre *

lundi 19 juillet 2010

Intervenir auprès d'adolescents perturbés - 1e partie

L’expérience d’animation d’un atelier sur la sexualité avec des adolescents qui sont aussi des patients psychiatriques constitue d’après nos recherches un précédent. Elle fut, pour chacun des animateurs, fort enrichissante à plus d’un point de vue. C’est afin d’évaluer le chemin parcouru et d’envisager celui qui reste à inventer que nous nous sommes arrêtés pour écrire cet article.

Les trois animateurs étaient convaincus depuis longtemps de l’importance de la sexualité dans la vie humaine et savaient à quel point l’adolescence constituait une croisée de chemins influençant grandement la vie adulte en ce domaine, comme en bien d’autres d’ailleurs. Ils leur apparaissaient donc important d’intervenir adéquatement, efficacement et prudemment auprès d’une population d’adolescents très perturbés. C’est alors que l’idée de travailler en triade leur vint à l’esprit, cette formule ayant déjà été expérimentée avec succès par l’un deux. La triade était mixte, cette formule ayant déjà été expérimentée avec succès par l’un deux. La triade était mixte au niveau des sexes et au niveau des professions. Très tôt des complémentarités et des connivences sont apparues; nous avons su que nous pouvions compter l’un sur l’autre dans un climat de confiance…et nous nous sommes parlés de nos adolescences respectives, comme si cela constituait un pré-requis pour être à l’écoute de celles des autres. Très tôt également nous avons compris qu’il y avait peut-être derrière notre motivation à organiser un atelier sur la sexualité ce désir « quasi parental » de faire en sorte que ce soit mieux pour eux que cela ne l’a été pour nous. Notre expérience s’inscrivait dans le vécu, c’est donc à ce niveau qu’il faut se situer pour en saisir toute la densité.

Dans un premier temps nous suivrons les dédales que l’initiateur du projet a dû traverser avant que son idée prenne forme dans la réalité. Par la suite nous définirons notre philosophie d’intervention puis, nous regarderons les modalités pratiques de l’atelier. Enfin nous tenterons d’évaluer les retombées de cet atelier sur notre service.


* à suivre *

dimanche 18 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 10e partie

Conclusion

Cet article constitue un survol des facteurs qui influencent la paternité à la suite d’une séparation. Comme nous l’avons vu, il s’agit d’un enjeu social dans lequel interviennent plusieurs facteurs de nature très différente qu’il reste encore à mieux comprendre. Toutefois, suffisamment de données sont disponibles pour s’en inspirer dans notre pratique.

D’ailleurs, cet article a pour but de mieux faire connaître la problématique du point de vue des pères afin de susciter, dans notre rôle d’intervenant, un doute concernant nos interprétations d’attitudes et de comportements des pères. En effet, ces interprétations déterminent la façon dont on intervient et même, parfois, si on intervient ou non. Par exemple, il est essentiel de se rappeler que lors d’une rupture, il se peut que l’indifférence ou l’agressivité du père que nous rencontrons cache une détresse et des idéations suicidaires (Perrault); que la perte du lien avec l’enfant soit vécue avec de la honte ou de remords malgré un air détaché (Quéniart; Lavigueur); que la distance que le père maintient avec ses enfants cache de la douleur (Kruk); que le refus de payer une pension alimentaire et l’esprit revanchard qu’on peut y percevoir voile le sentiment d’être rejeté de ses enfants et d’être inutile (Mandell).

Quoique des recherches cherchent des explications nouvelles sur ce type de question, la tendance à prêter a priori aux pères une intention négative ou à les taxer de négligence demeure (Dulac). Ce qui peut contribuer à nourrir des résistances chez les intervenants face aux pères (Gaudet et Devault; Larose). La plupart des demandes d’aide dans les service sociaux concernant les enfants sont faites par les mères et il est tentant pour les intervenants de conclure à du désintérêt, de la déresponsabilisation de la part des pères et d’interpréter cet état de fait comme une intention délibérée de leur part. La recherche sur les pères peut donc contribuer à enrichir notre analyse de cet enjeu et à intervenir auprès d’eux plus souvent et de meilleure façon.

samedi 17 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 9e partie

3. Analyse complémentaire à partir du modèle écologique

Afin de poursuivre l’analyse des enjeux concernant la paternité à la suite d’une séparation, nous ferons appel au modèle écologique qui réfère à l’influence de différents systèmes sociaux sur un individu (figure 1 : « Facteurs liés à la qualité du lien père-enfant à la suite d’une séparation »). Voici les systèmes qui constituent ce modèle d’analyse.

Premièrement, l’ontosystème réfère à « l’ensemble des caractéristiques, des états, des habiletés ou déficits d’un individu » (Bouchard et al.). Le microsystème est constitué « d’endroits assidûment fréquentés par le sujet (…) (idem). Le mésosystème est l’ensemble des relations intermicrosystémiques (idem). L’exosystème comprend les endroits ou lieux non fréquentés par le sujet en tant que participant, mais dont les activités ou décisions touchent et influencent ses propres activités ou son rôle dans les microsystème représente « l’ensemble des croyances, des valeurs des normes et des idéologies d’une communauté. Elles sont le reflet et la source tout à la fois des conduites individuelles et institutionnelles » (idem). Enfin, le chronosystème est constitué de « l’ensemble des considérations temporelles » (idem).

Le modèle écologique permet d’analyser chacun des systèmes, mais aussi les interactions entre eux :


L’interaction entre la personne et son environnement est au cœur de l’approche
écologique qui amène, et c’est là une contribution importante de cette approche,
à considérer dans l’étude du comportement, à la fois l’environnement immédiat et
l’environnement plus éloigné. En effet, l’environnement y fait référence non
seulement à la famille ou à l’entourage immédiat, mais aussi aux institutions,
aux conditions de vie, aux normes, aux valeurs et aux croyances d’une société
donnée. En ce sens, l’approche écologique est à la fois sociale, communautaire,
familiale et individuelle (Ricard et Turcotte).


Ainsi, le modèle écologique favorise une compréhension globale et nuancée d’un problème social. D’ailleurs, l’adaptation du modèle (figure 1 : « Facteurs liés à la qualité du lien père-enfant à la suite d’une séparation ») permet d’illustrer plusieurs enjeux variés soulevés dans la littérature et par les entrevues avec les pères.

D’abord, concernant le macrosystème, on peut constater que les facteurs associés au développement du lien du père avec ses enfants sont étroitement liés à la construction de la masculinité. La socialisation des hommes les prédispose à des habiletés différentes de celles qu’exige la paternité, du moins telle qu’on la conçoit aujourd’hui.


Pendant que les filles passent leur enfance à jouer à la mère, à apprendre la
maternité, les garçons jouent à la guerre ou au policier, comme si leur
perception du rôle de père se limitait aux agressions, aux attitudes de
justicier, aux gestes autoritaires (Blondin).
Le nouveau type de paternité valorisé demande encore du savoir-faire, ce que les hommes connaissent, mais aussi du savoir être, le côté « féminin ». Toutefois, il semble que les garçons sont exposés aux mêmes modèles stéréotypés qu’il y a vingt ans, avec quelques variations. Ne nous étonnons pas si des tendances sexistes ne fléchissent pas : « On incite aujourd’hui les hommes à s’interroger, à douter, alors qu’on leur a toujours appris que les vrais hommes étaient agissants et sûrs d’eux » (Dorais).

En effet, le macrosystème ne présente pas beaucoup d’incitatifs à développer la « femme en soi ». Regardons les tendances publicitaires qui présentent souvent des hommes très stéréotypés (Allard). « L’homme rose » réclamé il y a plus de quinze ans dans les revues pour femmes est aujourd’hui balancé par-dessus bord. Un homme rose, c’est mou.

Au niveau exosystémique, qu’y a-t-il de nouveau dans l’engagement paternel? Sur le plan économique, le congé parental qui peut être partagé avec la mère est une avancée. Il existe des expériences locales intéressantes (Bolté et al.) mais peu de planification formelle à plus grande échelle, pour ce qui est de l’intervention sur les problèmes sociaux vécus par les hommes ou la promotion de l’engagement paternel.

On peut penser que, malgré tout, il y a plus de latitude qu’auparavant au niveau microsystémique. Les hommes et les femmes tentent de réinventer la vie de famille et les rôles des mères et des pères se rapprochent (Côté), de sorte que leurs rôles respectifs sont plus difficiles à identifier et s’entremêlent. Cet état de fait nécessite une nouvelle compréhension de la paternité et la maternité et exige de tenir compte de la complexité et des ambiguïtés qu’elles comportent (Mckinnon, Davies, et Raines). Pour ce faire, on doit évaluer des notions d’oppresseurs et de victimes vers une nouvelle compréhension de la construction des rôles masculins et féminins et de leurs rapports (Featherstone et Trinder).

On s’attend des pères qu’ils effectuent (au niveau ontosystémique) une harmonisation d’aspects qui semblaient et qui semblent encore opposés : le partage de l’autorité parentale et le jeu, le savoir-faire et le savoir-être, le support rassurant et le sensibilité, etc. Également, les caractéristiques propres de l’enfant telles que le sens de l’humour, les affinités, l’âge, l’expression d’un attachement envers le père, puissent être un facteur qui influence le lien père-enfant de façon positive ou négative.

Comme illustrent les entrevues, beaucoup de facteurs associés aux différents systèmes influencent la trajectoire du père à la suite d’une séparation, de sorte que même la qualité du lien père-enfant avant la séparation n’est pas garante de celui qui restera à la suite de la séparation. En plus des nombreux déterminants systémiques du lien père-enfant, la crise causée par la séparation est importante. En effet, contrairement à la croyance populaire, à la suite d’une séparation, les hommes vivent plus souvent et de façon plus intense des problèmes de santé mentale que les femmes (Perreault), allant de conduites à risque (Dulac) jusqu’au suicide. Ils éprouvent beaucoup de difficulté à conserver leurs rapports avec leurs enfants après une séparation et sont tourmentés dans certains cas (Quéniart et Fournier). Les hommes ont moins tendance à prendre soin d’eux, de leur santé physique et mentale. Parfois, ils ne savent qu’être durs avec eux-mêmes et, par conséquent, ne savent pas comment prendre soin des autres.

À cause de ces caractéristiques ontosystémiques (par exemple l’agressivité, une image d’indifférence), causés entre autres par la socialisation, on en devient convaincu qu’il y a donc beaucoup d’hommes et de pères inadéquats. De fait, bien des pères sentent qu’ils sont meilleurs pour travailler que pour être présents auprès de leurs enfants. Pourtant, prendre le risque


(…) d’élargir son rôle, fait en sorte que tu vas te sentir compétent, mais il
faut que tu prennes des risques, faut que tu prennes des risques d’être
incompétent (…). (Benoît).
Effectivement, rappelons que traditionnellement, (macrosystémique), le savoir-faire consiste à protéger et à travailler pour loger, vêtir et nourrir ses enfants. Dans cette optique, il est étonnant qu’il soit possible d’atténuer le dilemme enfant-travail, particulièrement à la suite de la séparation. S’agit-il d’une exception ou d’une tendance?

À tout le moins, les choix de Benoît témoignent de l’incursion de pères dans des registres d’habiletés nouvelles qui peuvent mener à des rapports très étroits avec les enfants malgré un contexte de séparation, qui demeure un facteur défavorable au maintien d’un lien solide avec eux. D’autre part, le récit d’Antoine illustre des difficultés que des pères éprouvent à tisser des liens avec leur enfant, surtout après une séparation. Il constitue un exemple de père qui aurait grandement bénéficié d’aide et qui, concernant sa façon d’être père, en bénéficierait encore aujourd’hui.



* à suivre *

mercredi 14 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 8e partie

Le père qui s’éloigne

Un conflit ouvert avec la mère après la rupture peut aussi provoquer ou exacerber un sentiment d’incompétence chez un père qui se questionne peut-être déjà sur sa valeur et sur ce qu’il peut bien apporter de plus à ses enfants que ce que leur mère leur donne déjà. Particulièrement lorsque la mère a décidé de la rupture, la déchéance conjugale peut aussi être perçue comme une déchéance parentale (Dulac). En effet, les pères qui n’ont pas choisi la séparation ont plus de difficultés à poursuivre leur relation avec leurs enfants (Umberson et Williams).

Également, certains aspects légaux peuvent interférer dans les liens du père avec ses enfants. Tel que mentionné précédemment, les pères qui ne se prévalent pas de la garde partagée décrochent beaucoup plus souvent. En effet, dans un contexte où ce temps avec les enfants n’est pas encadré par une entente formelle, ces moments privilégiés sont soumis aux aléas du quotidien :

Le retrait du père survient souvent par suite d’une série d’omissions plutôt que
d’objectifs planifiés, alors que l’absence du père s’installe au fil du temps,
au fur et à mesure que les intervalles entre les visites sont permises,
tolérées, voire encouragées (Dulac).
Lorsqu’il n’y a pas de garde partagée, un père peut être tenté de baisser les bras, dû au fait qu’il s’estimait peut-être plus ou moins compétent, que les enfants n’ont pas manifesté les signes d’affection auxquels il s’attendait. Les parents n’ayant pas de garde partagée vivent plus intensément des sentiments de solitude, d’insécurité et d’impuissance (Kruk). À cet égard, il est pertinent de se questionner sur la place des pères dans le système judiciaire. En effet, des recherches font état des difficultés judiciaires pour obtenir la garde de leurs enfants lors de conflits avec la mère et de l’incidence qu’elles peuvent avoir sur la motivation du père à préserver le lien avec ses enfants (Fox et Blanton).

En outre, les questions financières font partie de la responsabilité que les deux parents assument ensemble. Il arrive toutefois que ce sujet devienne un irritant dans les rapports avec les enfants, même s’ils ne sont pas directement concernés. Combiné au fait que les rapports avec les enfants sont discontinus, il peut arriver qu’un père cède au sentiment de n’être qu’un « guichet automatique » auprès de son enfant et adopte une position rigide :

Je lui ai dit d’aller voir sa mère, que je payais une pension alimentaire assez
grosse pour les deux. (…) Elle s’est toujours servie de moi quand elle avait
besoin d’argent. (Antoine).

Également, l’arrivée d’une nouvelle conjointe dans la vie du père peut avoir un impact sur ses liens avec ses enfants :

Ma fille ne veut rien savoir de ma conjointe puis, quand je la rencontre, bien
je la rencontre seule au restaurant puis ça fait bien de la peine à D. (nouvelle
conjointe), puis moi aussi, mais elle ne veut rien savoir. (Antoine).
Enfin, la reconnaissance sociale du rôle de père semble avoir un certain apport dans le niveau de motivation à s’engager auprès de ses enfants :

Quand t’as cette reconnaissance-là, que tu es un bon papa, ça te donne le goût de continuer à être un bon papa. Ça doit être pas pire ce que je fais, ça c’est stimulant. (Benoît).

Également, l’entrée d’un nouveau conjoint dans la vie de la mère des enfants et qui crée un lien avec ces derniers peut donner l’impression au père qu’il a été remplacé et que ses enfants sont désormais heureux sans lui (Mandell).


* à suivre *

mardi 13 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 7e partie

Le lien du père avec la mère de ses enfants

Durant cette période souvent chaotique qui suit la séparation, les rapports avec la mère jouent pour beaucoup. Premièrement, reconnaître la valeur de l’autre parent et vice versa légitime leur autorité et leurs compétences parentales respectives.


Je lui reparle toujours positivement puis c’est vrai, ça va être agréable avec
maman, puis tu vas aimer ça, puis elle a de bonnes idées, ta maman. Je pense que
T. (ex-conjointe) fait la même chose. (Benoît).
Il y a une décision importante : papa et maman se parlent. Alors, ça évite à un enfant de jouer sur deux tableaux et le problème de la séparation amène ça, un moment donné, (…) papa veut, maman veut pas, c’est pas évident, elle peut jouer à l’intérieur de ça. Là, c’est papa et maman qui se parlent (…). (Benoît).

Dans ce contexte, l’enfant n’a pas besoin de protéger un des deux parents en lui laissant croire que c’est moins agréable d’aller chez l’autre. L’enfant peut alors se permettre de n’être qu’un enfant et non un parent pour sécuriser son ou ses parents. Également, cette attitude parentale libère l’enfant d’un conflit de loyauté.

Par contre, dans d’autres situations : « Elle a pris le parti de sa mère, puis pendant beaucoup d’années, ça a été dur. » (Antoine). Parfois, les choses prennent une tournure dramatique. Sans nous prononcer sur la responsabilité d’Antoine et de son ex-conjoint, il y a lieu de se poser la question suivante : Est-il possible qu’un père puisse être écarté de la vie de son enfant par sa conjointe, au moins momentanément, et que les rapports avec ses enfants soient très difficiles malgré son attachement pour eux? Il est troublant de constater que la réponse est oui.


Sa mère, elle m’a noirci aussi bien gros, bien gros. Elle avait noirci son père
avant moi. Elle l’a tellement noirci que pour moi c’était le démon en personne.
C’est épouvantable, puis quand je l’ai vu, je voulais lui sauter dessus. Ça fait
que là, moi je pense qu’elle a fait la même chose qu’avec moi. (Antoine).
Cette situation pourrait être associée au syndrome d’aliénation parental documenté récemment, décrivant de quelle façon l’enfant est pris en otage pour blesser l’autre parent (Coulborn, 1998), car elle ressemble aux situations citées dans la littérature. Le concept réfère « aux tentatives et actions d’un parent (habituellement le parent gardien et plus souvent la mère) qui se comporte de façon telle qu’il rend l’enfant hostile à son autre parent, celui qui n’a pas la garde » (Robitaille). Rendre difficile les contacts est souvent utilisé dans les situations où ce délicat diagnostic est posé.

Ça m’a nui, ça m’a empêché de la voir. D’abord au début, elle m’a fait
beaucoup d’histoires pour que j’aille la chercher. (Quand j’y allais), elle
n’était pas là. Elle était partie. (Antoine).

Le projet d’éliminer l’ennemi est motivé par une conviction profonde que
l’autre parent doit à tout prix disparaître pour que tous les membres de la
famille retrouvent la paix. Dans ces circonstances, l’enfant en vient
quelque fois à haïr son autre parent et fait tout en son pouvoir pour que ce
dernier s’en aille. Dans l’esprit de l’enfant, le parent à éliminer devient
le seul responsable de son angoisse. L’enfant veut éliminer le parent pour
que la chicane cesse (Couture).

Le parent aliénant peut aller jusqu’à accuser l’autre d’abus sexuel, ce qui peut constituer un puissant moyen d’écarter un conjoint lors d’une séparation (Van Gijseghem). Ce phénomène est tabou et délicat, parce qu’il touche la sécurité des enfants et il est difficile à identifier pour les professionnels du système sociojudiciaire. Il s’agit sans doute de l’aspect le plus obscur de tous les facteurs qui influencent les liens du père avec ses enfants.


* à suivre *

lundi 12 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 6e partie

Le père et le travail

Le partage traditionnel des tâches et des responsabilités parentales n’est peut-être pas seulement dû aux stéréotypes, mais aussi au rythme de vie rapide du quotidien causé par le travail qui entraîne un partage des tâches augmentant le niveau d’efficacité dans leur accomplissement :

C’est pas tant risqué de se faire juger, mais c’est plus une économie de temps
que l’on fait, c’est-à-dire, quand tu sais que quelqu’un est bon dans quelque
chose, pourquoi toi, ce qui va te prendre 1 heure, heure et demie, pourquoi tu
ferais ça, si l’autre, ça va lui prendre 14, 20 minutes, 1 heure. (Benoît).


Il est possible que cette pression du temps et la nécessité de « performer » dans les tâches fassent en sorte que chacun des conjoints se conforte dans ce qu’il connaît le mieux, en l’occurrence, les rôles traditionnels dans plusieurs cas. Par contre, après la séparation :

Là, on est ensemble, puis si ça nous prend 1 heure pour faire quelque chose, ça
nous prendra 1 heure. L’important, c’est pas tant les résultats, ça va être
qu’on l’a fait ensemble… (Benoît).


Donc, il est possible qu’étant donné que l’horaire avec les enfants est amputé de 50%, le temps avec eux ait encore plus de valeur : « Probablement que le temps investi avec les enfants est similaire à ce que c’était sur 14 jours, sauf que c’est condensé. » (Benoît).

Cette réflexion de Benoît laisse entrevoir la possibilité de bien composer avec son travail et sa vie avec ses enfants après la séparation. Dans le cas de Benoît, cette difficulté potentielle est devenue un atout dans son engagement paternel.


* à suivre *

dimanche 11 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 5e partie

Le père et l’éducation des enfants : redéfinir son rôle

Ce nouveau contexte de vie peut également amener une redéfinition du rôle et des responsabilités du père. Au départ, les deux entrevues illustrent le jeu comme étant le médium le plus utilisé par les pères pour entrer en relation avec ses enfants. Antoine trouvait important d’apporter de la vie à ses enfants : « L’humour, le côté musical, apporter un peu de fantastique, j’inventais des histoires. » Pour sa part, Benoît mentionne :

Moi ce que j’aime le plus, puis je pense que c’est le volet, peut-être les gars,
qu’on aime le plus, le jeu physique, c’est-à-dire courir, se chatouiller, se
lancer le ballon. Je pense que c’était une des sphères qui m’appartenait.
Une tendance que la littérature confirme : « (…) il est reconnu que les pères préfèrent l’action, les jeux, les activités qui constituent, pour l’homme, des comportements appropriés (…) Ce sont les formes masculines par excellence de l’expression et des échanges affectifs » (Dulac).

Toutefois, la redéfinition du rôle de père qu’entraîne le quotidien qui suit une séparation peut constituer une occasion de réinventer son style parental, mais aussi, et peut être davantage, un défi pour beaucoup d’hommes. Le temps où le père est avec ses enfants et durant lequel il est seul à pouvoir répondre à leurs besoins exige parfois qu’il fasse des choses qu’il n’avait pas encore expérimentées jusque-là : « On sort de nos rôles comme gars, on tombe sur un terrain qui n’est pas le nôtre (…). (Benoît).

Investir ce terrain, c’est aussi prendre des risques pour développer de nouvelles habiletés. Prendre le risque d’avouer que l’on ne sait pas toujours quoi faire, comment faire par rapport à certaines situations et que l’on va peut-être se tromper, dans les aspects fondamentaux de la vie avec des enfants au quotidien : « Moi, je vais faire un effort, puis on va le faire ensemble. On a ri, des fois, c’est un peu tout croche (apparence physique) (…), j’suis encore en apprentissage ». (Benoît).

Malgré que ce contexte soit anxiogène parce que tout repose sur lui lorsqu’il est avec les enfants, cette solitude peut aussi amener une liberté d’action :
C’est moitié plus de liberté, puis d’autonomie avec mes filles et en même temps,
plus de responsabilités (…). Quand t’es en couple, puis tu veux quelque chose,
tu vas aller négocier (…). Maintenant, c’est moi qui décide comment. Je veux
qu’on parte, en fin de semaine à telle place, bien on part. (Benoît).

Ainsi, lorsqu’un père dépasse le rôle auquel il était habitué, il l’élargit autant dans ses actions que dans ses attitudes, ce qui lui apporte une plus grande polyvalence : « (en couple), on se spécialise dans certaines sphères alors que, quand t’es tout seul, tu deviens un « généraliste ». » (Benoît).

Devenir un « généraliste », c’est, entre autres, d’ajouter aux compétences dites « masculines » (habituellement le savoir faire), des habiletés associées à la féminité (habituellement le savoir être).

Laisser de côté les attitudes et les comportements dits masculins pour se laisser aller à la spontanéité des enfants, entrer dans leur monde, c’est oser se montrer vulnérable aux yeux des enfants, mais aussi des autres adultes, dont la conjointe.

J’ai commencé à danser dans la cuisine, la musique puis être les trois à danser
puis avoir l’air niaiseux. Pour moi, ça a l’air niaiseux, je me dis : « J’espère
qu’il n’y a personne qui me voit ». Mais pour eux autres, c’est leur terrain.
Avant que je sois séparé d’avec T. (ex-conjointe), je jouais avec les enfants,
c’était pas la même spontanéité qu’on a là. (Benoît).
D’ailleurs, un terrain qui est moins naturel pour les pères est celui des rapprochements physiques en dehors du jeu. Encore là, certains pères franchissent cette barrière culturelle :

(…) le contact physique, c’est aussi de prendre dans ses bras, de sentir que
t’es capable d’avoir un contact, t’sais, on est capable de se toucher, ça fait
partie de l’intimité. C’est une manière de dire d’avoir un contact, c’est de
dire c’est agréable d’être ensemble (Benoît).

Le tabou est très fort et amène des pères plus stéréotypés à fuir cette promiscuité auprès de leurs fils, par crainte qu’ils deviennent homosexuels, et avec leurs filles par association à l’inceste. Ainsi, il est très probable que des pères se permettent des caresses pour exprimer leur affection de façon assez brusque un peu plus tard. L’enfant peut interpréter ce changement d’attitude comme un rejet de la part de son père (Corneau, 1996).

Ainsi, la séparation et la modification du contexte dans lequel les liens avec les enfants continuent d’évoluer peuvent soit constituer un passage vers une diversification des habiletés ou une difficulté, voire une impasse. Le défi d’harmoniser sa conception de la masculinité avec les habiletés parentales considérés comme féminines est de taille.


* à suivre *

samedi 10 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 4e partie

Considérations liées au temps

La quantité de temps passé avec l’enfant constitue un facteur qui influence la qualité du lien du père avec ses enfants (Dulac). La fréquence et la durée de leurs rapports en sont un premier exemple. La qualité du temps joue aussi : par exemple, un père qui est fragile ou peu engagé sur le plan émotionnel sera moins supportant, malgré une présence physique régulière.


Je pense qu’elle aurait eu besoin d’aide (sa fille) puis quand elle aurait eu
besoin, mais j’avais tellement besoin d’aide que j’étais pas capable de lui en
donner. (Antoine).


L’étape de vie à laquelle un homme devient père influence sa façon d’être père, de même que l’âge des enfants influence les rapports avec les enfants (Hoffman). Par exemple, un homme dans la quarantaine risque d’avoir vécu davantage de périodes de transition et de réajustement dans sa vie qu’un père dans la vingtaine. Antoine mentionne que, plus jeune, il était trop rigide et qu’aujourd’hui, se sentant plus confiant, il n’aurait pas la même attitude.

2. Après la séparation

Le père et l’éducation des enfants : composer avec un nouvel horaire

La contribution du père en lien avec ses enfants est amenée à changer à la suite de la séparation. Dans plusieurs cas, la diminution de la fréquence des rapports avec les enfants constitue un premier facteur qui influence la qualité un premier facteur qui influence la qualité du lien des pères avec leurs enfants. Dès le moment de la décohabitation, nombre de pères s’en vont seuls : « Il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils puissent prendre l’enfant avec eux lors de la séparation (…) (Dulac).

Séparer le temps de garde, le perdre en tout ou en partie, est souvent vécu difficilement par les parents. Pour les pères rencontrés :


C’est ça qui était difficile, c’est de laisser ce contact quotidien. (Benoît).


Ça a été déchirant quand je suis parti puis pendant longtemps après ça
quand j’allais la voir, c’était extrêmement dur pour moi aussi. J’étais comme
écrasé là, épouvantablement. (Antoine).

Pour faire face à la douleur que leur cause la séparation, que leurs conjointes choisissent plus souvent qu’eux (Gouvernement du Canada), des hommes auront tendance à couper le lien pour en finir (Dulac). En effet, « aussi paradoxal que cela puisse paraître, plusieurs pères choisissent de minimiser la douleur associée à la séparation physique des enfants en cessant tout contact avec eux » (op. cit). D’une certaine façon, s’amputer de son cœur serait la façon d’éliminer les sentiments douloureux, mais également entraîne l’inhibition de sentiments d’affection.

Par contre, bien que le temps disponible avec les enfants soit moindre, il peut devenir prioritaire. En effet, puisqu’il ne bénéficie que d’une semaine sur deux ou de la fin de semaine avec ses enfants, soit le temps où il a la garde de ses enfants, le père engagé dans sa vie familiale donne priorité à ces moments. Ce temps passé avec les enfants est vécu de façon plus intensive, puisqu’il n’y a plus de conjointe pour le seconder durant la semaine que les enfants passent chez lui :

Je pensais à chaque matin, c’est moi qui fais le déjeuner, le dîner au besoin et
le souper et le bain et l’histoire et la chanson et le biberon, alors que, toute
cette période-là, toute cette énergie-là, puis ce temps-là étaient distribués
sur 14 jours, puis là, c’est condensé en 7. C’est tout aussi satisfaisant, c’est
juste une autre manière de voir puis d’organiser les choses. (Benoît).


Dans cette situation, la perte d’une semaine sur deux de la vie familiale ne semble pas avoir affecté le temps total passé avec les enfants sur deux semaines : « Alors que là, c’est drôle, mais les 7 jours que je suis avec les enfants, je ne me planifie rien, puis c’est juste 7 jours avec les enfants. » (Benoît).

Par contre, dans la situation d’Antoine, la séparation d’avec la mère a d’abord entraîné une diminution des contacts avec les enfants, puis à une quasi-absence de lien après deux ans, délai qui correspond au scénario le plus souvent observé lorsqu’il y a une perte de contact (Dulac).

À la suite de la séparation, la notion de temps peut être modifiée non seulement sur l’aspect de l’action, mais aussi de la valeur de sa présence auprès de ses enfants : « Le temps devient beaucoup plus important que ce que l’on fait, (…). Quand t’es avec eux-autres, je pense que le lien se développe, puis ils ne demandent pas plus que ça ». (Benoît). Cette perception du temps de présence du père est également liée à la redéfinition de son rôle à la suite d’une séparation.


* à suivre *

jeudi 8 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 3e partie

Le père et le travail

L’énergie et le temps consacrés au travail constituent un enjeu important dans la façon d’assumer son rôle de parent. Comme Antoine, des pères peuvent se sentir à l’aise de se consacrer pleinement à ce rôle de pourvoyeur en se disant que la mère compense et que, de toute façon, elle est plus compétente que lui pour remplir ce rôle (Dulac).

De l’extérieur, on peut conclure qu’Antoine n’a pas beaucoup d’intérêt pour sa famille, puisque la mère semble en faire plus pour la famille. Cependant, l’emploi rémunéré constitue un facteur de l’engagement paternel (Snarey, dans Devault). Pour bon nombre de pères, bien faire vivre sa conjointe et ses enfants constitue la démonstration ultime de son amour et de son engagement pour sa famille.

Toutefois, d’autres pères, tels que Benoît, le vivent autrement. Comme pour les mères, de plus en plus de pères vivent cette déchirure entre leur vie personnelle et professionnelle (Dulac).

Le fait que j’aie été un bout de temps souvent au travail fait en sorte que, des
fois, c’était accaparant. Je me développais une image négative de moi, parce que
je trouvais que je n’avais pas assez de temps…Je pense que c’est avec le temps
que tu développes des liens significatifs, parce qu’il y avait une incongruence,
un moment donné, dans mes propres valeurs; c’est important de passer du temps
avec tes enfants puis en même temps t’es très accaparé par ton travail (…)
(Benoît).


Par ailleurs, en général, les pères dont les conjointes occupent un emploi rémunéré sont plus engagés et dans plus de sphères de la vie familiale et en ce qui touche l’enfant (Dulac). Ce plus grand engagement de la part des pères amène une négociation des modes de fonctionnement pour en arriver à une cohésion du couple : « On s’entendait sur les valeurs, sur la manière de faire, sur comment élever les enfants. » (Benoît).

Également, si le père se sent reconnu par la mère devant leurs enfants, il se sentira plus important non seulement comme « co-parent », mais aussi comme modèle pour ses enfants : « Dans tout ça, je pense que T. (ex-conjointe) a tout le temps reconnu ce que je faisais puis sans jugement, plus avec de l’appui. » (Benoît).

Cette légitimité et cette crédibilité constituent un stimulant important au développement de l’image de lui-même du père et du sentiment de faire la différence dans le développement des enfants. Également, si une cohésion est maintenue entre les deux parents, l’enfant se sentira libre d’aimer ses deux parents sans avoir peur de déplaire à l’autre.


* à suivre *

mercredi 7 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 2e partie

Poursuivant l’article de Jean-Martin Deslauriers dans Le père et la communication des sentiments

La communication des sentiments constitue une attente nouvelle à laquelle on demande aux hommes de répondre. Des hommes ont le sentiment de le faire. À leur manière, ils démontrent l’amour par des gestes; l’action constitue un canal privilégié pour exprimer l’amour (Dulac). « Bien, pour moi, l’important, c’était de leur montrer que je les aimais, puis de leur fournir tout le matériel, maison, habillement, les ci, les ça, l’école ». (Antoine).

La difficulté survient plus souvent lorsque les gestes sont le seul mode d’expression de l’affection. Même si l’action constitue la « preuve d’amour » de façon très tangible, peut-être n’a-t-elle pas autant de sens pour la femme, si elle n’est pas accompagnée de mots pour le dire. Également, nombreuses sont les situations où l’action s’avère impuissante à supporter et réconforter ceux qu’il aime; il s’agit là d’une limite que des pères plus traditionnels peuvent rencontrer. Certains diront alors à leurs enfants qu’un homme ne pleure pas, il ne démontre pas de doute, il guide, etc. Ainsi, les stéréotypes rigides constituent un facteur de vulnérabilité de l’exercice de la paternité que la conjointe est plus douée, entre autres pour la communication, le père peut être porté à céder sa place.

Le père et le partage des tâches

Effectivement, voyant que leur conjointe prend l’éducation des enfants en charge, des pères plus traditionnels y verront un ordre naturel des choses et se concentreront sur la sphère publique de leur vie plutôt que domestique (Dulac).

Le niveau de responsabilité que les femmes prennent, des fois, mais ne même
temps, il y a une partie qui fait leur affaire, parce que c’est une partie
qu’elles contrôlent, ça leur appartient. Je savais qu’il y a des choses qui
appartenaient à T. (ex-conjointe), qui étaient chères pour elle. Puis, ça
faisait mon affaire en même temps, c’était correct ce genre d’organisation
familiale traditionnelle, je ne me sentais pas dévalorisé. (Benoît).

Cette réflexion au sujet du partage des responsabilités amène une autre question nouvelle : Est-ce possible que, malgré tout, des mères trouvent certains gains secondaires à porter ces responsabilités familiales?

Quant à la question des responsabilités financières, des hommes étaient en désaccord – et certains le sont toujours – avec le fait que leur conjointe gagne un salaire, malgré que ce deuxième revenu allège le fardeau financier supporté par le père (Dorais). Des hommes sentent qu’ils ne remplissent pas leur rôle de pourvoyeur de façon adéquate si leurs conjointes assument cette responsabilité avec eux. De leur côté, des femmes se sentent peut-être moins compétentes dans leur rôle de mère, si leur conjoint assume cette responsabilité avec elles. Encore là, un parallèle peut se faire avec un homme qui apprécie que sa conjointe rapporte un revenu important au compte familial. Cependant, si elle gagne autant ou plus que lui, il est possible qu’il se sente diminué, car les hommes se jaugent à leur réussite économique et à leur statut social (Dorais).

C’est paradoxal, ça faisait son affaire que j’étais un bon papa mais, en même
temps, ça ne faisait pas son affaire que les gens le reconnaissent, que les gens
disent : B, c’est un bon papa, il s’occupe des enfants, il fait sa part puis il
fait tout ce que toi tu peux faire (Benoît).
Même si des pères s’engagent de façon plus intime auprès de leurs enfants, composer avec leur vie de travailleur demeure un défi (Dulac).


* à suivre *

lundi 5 juillet 2010

L'HOMME FACE À LA SÉPARATION : 1e partie

Introduction

Bien qu’on ne le nomme pas encore comme tel, la rupture du lien père-enfant à la suite d’une séparation constitue un problème social plus important qu’il ne le semble. En effet, certaines recherches établissent qu’en Europe et en Amérique du Nord, 50% des pères qui n’ont pas la garde légale de leurs enfants perdent le lien qui était établi avec eux (Furstenberg et al.; Kruk). Conséquemment, plusieurs enfants souffrent de cette absence de rapports avec leur père, ce qui constitue un facteur prédisposant à l’apparition de problèmes dans leur développement (Blankenhorn).

Les recherches sur les pères qui vivent cette situation sont récentes et elles ne sont pas légion, particulièrement celles qui portent sur les perceptions des pères (Dulac). Cet article traitera donc de divers enjeux concernant le lien père-enfant à la suite d’une séparation en mettant l’accent sur la façon dont les pères vivent cette épreuve. Pour illustrer des conclusions issues de la littérature et donner un point de vue plus sensible, deux pères séparés ont été interviewés et seront identifiés comme Antoine, 52 ans et Benoît, 32 ans. Pour donner un éclairage plus complet sur la problématique, nous aborderons le lien père-enfant précédant la séparation avant d’aborder le lien père-enfant avant la séparation constitue un facteur déterminant de la qualité du lien à la suite de la séparation (Hoffman). Les données seront illustrées et discutées à l’aide du modèle écologique.

1.Avant la séparation
Cette partie nous renseignera sur certains des facteurs qui teintent le lien du père avec ses enfants. En voici quelques-uns issus de la littérature et des entrevues réalisées avec les deux pères ci-haut identifiés.

Le père et l’éducation des enfants

La façon dont sont assumés les rôles et les responsabilités parentales influencent le lien père-enfant :

Décider quoi faire puis comment le faire, c’est deux choses sur lesquelles, les
gars, on n’a pas beaucoup le contrôle. Elles (les conjointes) ont tout pensé à
ça, puis c’est la même chose pour une partie de l’éducation des enfants, puis
comment les habiller, comment les nourrir. Ces affaires-là, ça devient un peu
secondaire pour moi (Benoît).

Également, le sentiment de compétence dans l’éducation des enfants a une incidence sur le rapport à l’enfant (Turcotte et al). Le récit d’Antoine indique qu’il se sentait plus ou moins compétent comme parent et qu’il percevait que sa conjointe estimait que sa présence était plus ou moins importante. D’ailleurs, une absence ou un certain détachement peut cacher un sentiment d’incompétence ou une impression d’une utilité plutôt instrumentale se limitant au rôle de pourvoyeur :

Je ne pensais pas que ce que je pouvais bien dire était important. L’important,
c’était de leur apporter ce qu’il fallait. Un père, c’est quelqu’un qui peut
assurer la sécurité de sa famille, qui aime ses enfants puis sa femme, quelqu’un
qui est assez sage pour prévoir, qui peut se débrouiller dans une maison, qui
rentre l’argent (Antoine).
Ce stéréotype tend à éviter le développement d’habiletés qui peuvent être perçues comme étant féminines, donc non compatibles avec son rôle. Les habiletés parentales peuvent sembler être l’apanage des femmes, une capacité innée de bien prendre soin d’un enfant :
C’est sûr qu’au début, quand j’ai eu S (enfant), j’avais 25 ans, il y a un peu
d’incompétence, peut-être pas incompétence, un peu plus d’insécurité. Je n’ai
jamais joué la poupée quand j’étais jeune, changer des couches (Benoît).


De plus, l’adoption d’un style parental figure parmi les facteurs pouvant influencer les liens des pères avec leurs enfants avant et après la séparation :
Je n’ai pas été assez ouvert et tolérant. Si je voulais telle chose puis elle,
elle voulait d’autre chose, finalement elle trouvait une autre solution, puis
c’était magnifique. Sauf que moi, à ce moment-là, non, je ne marchais pas
là-dedans, je pouvais pas, je n’étais pas assez ouvert, c’est de valeur
(Antoine).


Cette réflexion illustre une rigidité dans la façon d’exercer l’autorité parentale. Toutefois, des qualités du père traditionnel sont utiles. Par exemple, le rôle de « faciliter le passage du monde de la famille à ce lui de la société » (Corneau).

C’est important pour moi de leur transmettre, de dire, il y a une manière de
fonctionner en société, il y a une manière de se comporter, puis il y a des
règles à suivre puis c’est pas tant contraignant puis on peut avoir aussi du
plaisir à l’intérieur de ces règles-là (…). (Benoît).

L’exercice d’un rôle parental fait appel à des habiletés pour remplir des tâches, mais aussi à des qualités dans la façon d’être et de communiquer


* à suivre *

samedi 3 juillet 2010

VIOLENCE DES JEUNES À L'ÉCOLE PRIMAIRE - 8e partie

Conclusion

Un tel projet présente l’immense avantage d’animer les milieux scolaires d’une façon nouvelle et de les amener, comme systèmes entiers, à aborder l’épineuse question de la violence entre les enfants. Tous les acteurs reconnaissent le problème, mais chacun demeure encore trop isolé dans ses perceptions et ses actions. Le projet a eu l’audace de poser le problème et de suggérer des avenues de solution. Certes, ses résultats ne sont pas renversants, mais ils témoignent de l’effort et d’un certain succès. Tout au moins, ils renforcent les positions de Beaumont, de Fraser, de Simard, Champagne, Magassouba et Hébert et de Meunier : il est nécessaire de sensibiliser tous les acteurs aux phénomènes de violence à l’école, d’aider les enfants à se respecter mutuellement en leur offrant une formation civique aux habiletés sociales de base, de leur offrir des activités de loisirs et de les encadrer par la surveillance, l’intervention et la stimulation.

L’intimidation présente toutes les caractéristiques de la violence (Meunier) : a) des intentions immédiates (par ex. faire mal) et médiates (par ex. créer un effet de contrôle/domination sur l’autre) qui cerne l’exercice du pouvoir; b) le climat et le contexte des transactions interpersonnelles; c) la recherche d’une gratification personnelle; d) au détriment de l’autre (par ex. de sa personne, de ses biens, de son image…). Cependant, pour enrayer cette violence plusieurs stratégies simultanées doivent être mises en place. Le projet Violence entre les pairs – Solution communautaire semble un excellent départ dans ce sens. Il pourrait s’y ajouter un programme spécifiquement axé sur l’apprentissage, chez les jeunes et chez les adultes, des conduites pouvant désamorcer l’intimidation. Ainsi, faudrait-il développer une sensibilité aux conditions propices à l’intimidation en se basant sur la description et les critères énoncés par Smith et Thompson : l’intimidation est non provoquée, elle est répétée, et l’agresseur est, dans les faits ou est perçu, plus fort que sa victime. En conséquence, lorsque incité à trancher une situation d’intimidation, l’adulte devrait en tenir compte. Cette stratégie est encore peu développée : au-delà de l’apprentissage des comportements pro-sociaux ou des conduites pacifiques, il faut apprendre aux enfants comment se défendre, comment désamorcer chacune des situations potentiellement conflictuelles (Meunier); la recommandation de faire appel à un adulte n’est pas suffisante. Bref, il faut leur apprendre à bien vivre en société. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire!

vendredi 2 juillet 2010

VIOLENCE DES JEUNES À L'ÉCOLE PRIMAIRE - 7e partie

Quelques leçons pratiques…

La collaboration de tous les acteurs est essentielle au succès de tels projets. La formation des comités fut précieuse à cet égard. Cependant, le projet fut précieux à cet égard. Cependant, le projet fut proposé aux écoles et non créé par celles-ci; aussi, à répéter l’expérience, faudrait-il prévoir davantage de temps et d’énergie à harmoniser les conceptions de la violence et de l’intimidation, à créer une véritable synergie autour de la question et des modalités d’intervention proposées dans le projet. Il importe que la direction soit bien enracinée dans la communauté desservie par l’école. La clef du succès réside dans la flexibilité et le respect de la culture du milieu (école, quartier). Le principe de fond demeure toujours que l’école a la responsabilité d’initier un climat et des pratiques favorisant l’harmonie entre les enfants, de fournir aux parents des moyens pour intervenir auprès de leurs enfants, qu’ils soient victimes, abuseurs ou témoins de cette violence.

La sensibilisation de tous les acteurs à l’intimidation est essentielle au programme. Certains se disent déjà très sensibles au problème, mais plusieurs d’entre eux éprouvent des difficultés à le définir et à l’identifier sur le terrain. Il est donc nécessaire d’en parler, d’allouer plus de temps à la formation du personnel scolaire (de la direction au personnel clérical et des transports), de lui fournir des outils pratiques pour observer les situations de conflit, les désamorcer et intervenir efficacement.

Les activités présentées aux enfants doivent éveiller leur intérêt et faciliter leurs apprentissages. Aussi, les sessions en classes portant sur les habiletés sociales de base doivent être très concrètes, simples, directes et accessibles aux enfants (beaucoup de matériel visuel et tactile, des manipulations, des jeux de rôles, affiches, bandes dessinées géantes, concours de toutes sortes…). Les élèves plus âgés peuvent être sollicités pour animer les jeux des plus jeunes, responsabilités que plusieurs adorent; les plus négatifs, opposant refus ou obstruction, peuvent être retirés de la cour de récréation aux moments opportuns. Les activités de groupe, pour victimes ou pour agresseurs, doivent être bien présentées aux enfants; un travail de sensibilisation aux difficultés personnelles et aux avantages de l’entraide doit commencer dès le début du projet, impliquer les enfants et leurs parents. Par ailleurs, pour favoriser l’homogénéité des groupes, il est bon d’éviter un trop grand écart d’âge entre les participants, et même de tenir compte des niveaux de scolarité. En outre, le bon fonctionnement des groupes est favorisé par l’assiduité et la ponctualité des enfants; les parents et les enseignantes doivent donc être mis à contribution.

L’implication des organismes communautaires du secteur est un atout de taille. Ils représentent un excellent complément aux initiatives de l’école et ont ainsi l’occasion de se faire connaître dans un contexte non menaçant. Ils peuvent, à plus long terme, accompagner les enfants et les familles dans leurs difficultés. Quoique parfois fragile, c’est un partenariat essentiel. Une difficulté fut ici d’assurer la stabilité à long terme du personnel recruté pour les activités de la période du dîner. Diverses formules furent essayées; la co-animation par un membre de la communauté (à contrat ou bénévole) renforcée par la présence d’un animateur professionnel (interne ou externe à l’école) a semblé la meilleure formule.

Certains parents semblent dépassés; l’école doit alors fournir la consultation et des outils leur permettant d’accompagner leurs enfants tout au long des activités de l’année. Le rapprochement des organismes communautaires peut s’avérer un de ces outils.

Enfin, et non de moindre importance, les activités de tels programmes ne devraient pas nécessiter de changements structurels d’importance dans l’école (personnel, locaux, mobilier, horaire…) ou dans la présentation des activités scolaires. Au contraire, elles devraient pouvoir s’harmoniser aux activités normales, tout comme celles qui soutiennent le projet pédagogique d’école.



* à suivre *

jeudi 1 juillet 2010

VIOLENCE DES JEUNES À L'ÉCOLE PRIMAIRE - 6e partie

Discussion des résultats

Cette brève analyse comparative des données des sondages souligne que les acteurs des trois écoles ont eu l’occasion de se sensibiliser aux phénomènes de l’intimidation. En outre, il semble qu’une intervention des adultes, en particulier des enseignantes, commence à se structurer et à s’exprimer plus ouvertement. Les enfants ne perçoivent cependant pas beaucoup de différence dans les réactions des enseignantes. Il semble toutefois que leurs comportements d’intimidation ont, somme toute, subi des transformations sans toutefois être éliminés.

Donner une appréciation des résultats en fonction des conditions d’expérience du projet est difficile en raison d’influences intermédiaires importantes, perceptibles dans les trois écoles, mais reflétées par des variables différentes d’une école à l’autre. Par exemple, l’animation des activités de loisirs au cours de la période du dîner fut quelque peu rendue difficile et différente d’une école à l’autre, en raison de problèmes de recrutement d’un personnel qualifié. Plusieurs autres adaptations durent être favorisées dans chacune des trois écoles.

Cinq critères sont proposés afin d’orienter une conclusion qui, par la force des choses, doit être considérée comme une humble perception clinique de la dynamique engendrée par le projet. Chaque école reçoit de une à trois étoiles (*, **, ***) selon le niveau de performance qu’elle présente à chacun des critères; recevoir trois étoiles traduit une meilleure réussite. La somme de ces étoiles permet d’établir une certaine différence entre les écoles. Le niveau de sensibilisation des acteurs à l’intimidation est le premier critère : chaque école reçoit deux étoiles. Le changement du niveau d’intervention face aux situations d’intimidation est un deuxième critère : les écoles B et A obtiennent deux étoiles, et l’école C, une étoile. Le troisième critère est celui de la modification des comportements des élèves devant des situations d’intimidation : des modifications sont observées dans plusieurs comportements, mais aucune constante ne peut en être dégagée : aussi, deux étoiles sont attribuées à chacune des écoles. Le quatrième critère est celui de la modification des réactions des enseignantes à l’intimidation : les écoles A et C reçoivent chacune trois étoiles, et l’école B en reçoit deux. Le dernier critère est celui de la modification des réactions des élèves à l’intimidation : l’école A reçoit trois écoles, l’école B, deux étoiles, et l’école C, une étoile. La somme de ces étoiles permet d’établir que la formule présentée à l’école A (sensibilisation du personnel enseignant, des parents et des parents) + animation dans la cour d’école) + habiletés sociales de base en classes + intervention auprès des groupes d’enfants ciblés) semble présenter un très léger avantage sur les deux autres; celle présentée à l’école B (sensibilisation du personnel enseignant, des parents et des enfants) + (animation dans la cour d’école) + (habiletés sociales de base en classes) semble présenter un léger avantage sur celle présentée à l’école C (sensibilisation du personnel enseignant, des parents et des enfants) + (animation dans la cour d’école). En somme, les acteurs des trois écoles semblent avoir tiré quelque profit de leur expérience, mais aucune formule ne semble franchement se démarquer.



* à suivre *